En tant que fondateur et pionnier il y a 15 ans de plateformes de télémédecine en ophtalmologie, mon parcours ne s’arrête pas à une simple réponse aux déserts médicaux ou à l’amélioration de l’accès aux soins. Mon initiative puise ses racines dans mon propre vécu de patient, dans les obstacles rencontrés face à un système souvent rigide et protocolisé. Loin de vouloir « ubériser » l’ophtalmologie, j’ai toujours été guidé par une vision plus vaste et plus spirituelle de la médecine, où la technologie devient un levier de transformation plutôt qu’une fin en soi.
Cette réflexion est inspirée par l’un des plus grands penseurs de notre temps, Edgar Morin, qui a anticipé, bien avant l’avènement des nouvelles technologies, leur potentiel pour réformer en profondeur la médecine. Morin envisageait un futur où les technologies de l’information permettraient de « purger » la médecine de ses protocoles stricts et aliénants, pour laisser place à un soin recentré sur l’individu, dans sa complexité et sa globalité. Cette purge nécessaire ne signifie pas le renoncement aux avancées techniques, mais une transition vers une médecine où le temps, l’écoute, et l’attention portée à l’être humain — à son « soi supérieur » — deviendront à nouveau le cœur de la relation soignante.
Aujourd’hui, nous sommes à l’aube d’un nouveau paradigme, où l’intelligence artificielle et la télémédecine ne sont pas des remplaçants des praticiens, mais des outils qui libèrent les médecins de certaines tâches pour qu’ils puissent se concentrer sur l’essentiel. Grâce à cette bascule, la médecine peut redevenir un art du soin, centré sur l’humain, dans sa globalité et son unicité. Nous avons l’opportunité de réinventer le soin non pas comme une simple application de procédures, mais comme une rencontre entre le médecin et le patient, dans une démarche où la technique sert l’humain, sans jamais le réduire à un cas ou un symptôme.